14ème anniversaire

Introduction du thème femmes et disparition forcée

Voilà bientôt 3 ans que je participe au comité du jardin des disparus et cette année lors de l’assemblée générale en avril, je me suis retrouvée à prendre la co-présidence avec Arta Kryeziu, mon nom est Catherine Haus.

Lors de cette assemblée du mois d’avril, Jenny Bettancourt, qui avait assuré la présidence durant de nombreuses années, nous avait alors annoncé son départ, en tout cas pour une année. Courageusement nous nous sommes lancées. Mais Jenny reste une personne de référence précieuse et nous nous réjouissons qu’elle soit là aujourd’hui.

Le comité aujourd’hui est restreint, 5 femmes (Arta Kryeziu et moi-même, Marta Suarez, Pastora Ruiz et Marisa Cornejo) et la volonté de continuer à faire vivre ce jardin de mémoire et poursuivre d’une part la réflexion, mais aussi les actions pour que tous les États se mobilisent contre les disparitions forcées.

Rappelons que pendant plusieurs années, notre association s’est mobilisée avec d’autres ONG pour que les Nations Unies adoptent une Convention internationale protégeant toutes les personnes contre les disparitions forcées. La Suisse a participé à l’élaboration de cette Convention qui fut adoptée en 2006. Ensuite, nous nous sommes engagés pour que le gouvernement suisse la signe et enfin que les Chambres fédérales la ratifient. Ainsi, le 1er mars 2010, avec d’autres ONG, tels TRIAL, et de nombreux parlementaires fédéraux, nous déposions à Berne une pétition demandant la signature et la ratification de la Convention par la Suisse. Il a fallu ces pressions pour que la Suisse daigne enfin la signer le 10 janvier 2011.

Mais ensuite ce n’est qu’en décembre 2012, c’est-à-dire presque 2 ans plus tard que le gouvernement suisse a lancé la procédure de consultation en vue d’une future ratification. Celle-ci s’est terminée en avril 2013, c’est-à-dire, il y a une année et demie, et a débouché sur un projet de loi qui n’a toujours pas été adopté par le Parlement fédéral.

Ceci est d’autant plus regrettable qu’une ratification permettrait aujourd’hui à la Suisse d’intégrer le groupe de travail, établi ici à Genève, qui reçoit et analyse les cas de disparitions forcées. De toute évidence, il est utile que la société civile, c’est-à-dire nous, ainsi que les autres associations et nos amis parlementaires qui soutiennent cette cause élèvent à nouveau le ton pour que la Suisse mette enfin la ratification de la Convention à l’agenda. Nous avions espéré pouvoir annoncer la signature de la Convention par la Suisse à l’occasion du 10ème anniversaire du Jardin des disparus. Elle n’est intervenue que quelques mois plus tard.

Faisons en sorte que lors du 15ème anniversaire l’année prochaine, notre parlement ait enfin ratifié cette Convention o combien importante pour toutes les victimes de la disparition forcée. 

Aujourd’hui pour la 14e année consécutive, nous voilà donc réunis pour célébrer l’anniversaire du jardin des disparus.

Nous avons choisi de faire de cette journée, non pas l’aboutissement, mais le départ d’un projet qui permettrait de créer plusieurs événements pour la quinzième année du jardin. L’anniversaire en 2015 serait alors une journée dont le thème serait « femmes et disparition forcée » organisée par le comité et toutes les personnes et associations qui auraient travaillé ensemble durant l’année.

Les femmes au comité aujourd’hui, sont toutes des femmes engagées pour la promotion de l’égalité entre hommes et femmes, pour des droits égaux, pour l’accès à la formation dans tous les pays et pour la reconnaissance des spécificités liées à leurs conditions de femmes dans de nombreuses situations sociales. Certaines maintenant ici, ont vécu dans leur pays d’origine la disparition forcée de membres de leur famille, ont éprouvé dans leur chair le fait de rechercher des parents et se sont battues pour la justice et la mémoire.

Sans faire un discours exhaustif sur la situation des femmes victimes de la disparition forcée, nous aimerions aujourd’hui mettre en évidence certaines spécificités liées à la disparition forcées des femmes. Spécificités mises en avant dans la convention sur les disparitions forcées.

Il est important de relever que les femmes et les filles vivent les effets des disparitions forcées et y font face de différentes manières de part les rôles dévolus aux hommes et aux femmes par la société. Rôles qui, nous le savons, sont profondément ancrés dans l’histoire la tradition, la religion et la culture. Cette problématique n’échappe donc pas à la question du genre et à la reconnaissance que cette spécificité doit être prise en compte dans toutes les mesures, notamment législatives, administratives, judiciaires et autres décidées par les États pour ce qui concerne les disparitions forcées.

Ainsi les femmes sont victimes de disparition forcée et lors de leur disparition subissent des violences sexistes graves. Elles peuvent être enceintes au moment de leur disparition ou subir des grossesses suite à des viols et voir leur enfant disparaitre à la naissance. La violence sexuelle est utilisée comme un moyen de torture spécifique à l’égard des femmes.

Lorsque des membres de leur famille disparaissent (mari, compagnon, parents, enfants), elles sont affectées par la disparition, fragilisée souvent parce qu’elles retrouvent à assumer seule la structure familiale, avec l’angoisse de ne pas savoir ce qu’est devenue la personne disparue. Prenant souvent des risques en recherchant les personnes auprès des instances policières, juridiques et/ou militaire, elles peuvent alors disparaitre à leur tour.

Les femmes sont aussi très souvent engagées dans des collectifs et associations pour retrouver les disparus, afin que justice leur soit rendue et que leur mémoire soit honorée. A cet égard, les rassemblements des grands-mères de la Place de Mai sont exemplaires.

Pour mémoire:

Le 31 mars 2001, la Présidente des Grands-mères de la Place de Mai, Madame Estella de Carlotto nous avait fait l’honneur de sa présence. Dans ce Jardin, elle déclarait : « la vérité et la justice apporteront la liberté. ». L’année suivante, lors du deuxième anniversaire du Jardin des disparus le 6 octobre 2002, nous lui avons exprimé toute notre solidarité. Madame de Carlotto venait en effet d’échapper miraculeusement à un attentat… Des balles avaient été tirées depuis l’extérieur dans son salon qu’elle venait de quitter. Cela démontrait alors que les responsables des 30’000 disparus en Argentine ne demandaient pas seulement l’amnistie, mais exigeait également l’amnésie, l’oubli. Or, comme le soulignait le co-président du Jardin des disparus en 2002 : « tant que des femmes comme Estella de Carlotto continueront à se battre pour la vérité et la justice, les auteurs des crimes contre l’humanité seront toujours inquiétés. En notre qualité de citoyennes et citoyens de cette terre, nous nous devons de continuer à les inquiéter ».

Cette année, Madame de Carlotto a été récompensée pour toutes ces années d’engagement et de combat infatigables. En août, elle a appris que son petit-fils était bien vivant. Sa fille Laura avait été enlevée en 1977, alors qu’elle était enceinte de 2 mois. Elle a été assassinée après la naissance de son fils. De 1977 à cette année, Estella n’a jamais perdu l’espoir de retrouver un jour son petit-fils. Ce courage et cette détermination de cette femme admirable est un exemple.

Citons aussi ce village de la Kosovo où après la disparition de la plupart des hommes, les femmes et quelques hommes se sont regroupés en association pour rechercher les disparus et demander que justice soit rendue.

Les aspects spécifiques liées à la qualité de femmes dans la société sont pris en compte dans la convention sur les disparitions forcées, Il est important que les États prennent des mesures pour assurer là aussi l’égalité des femmes dans tous les aspects liés à la disparition forcée et la protection de ces dernières face aux agressions sexistes liées aux disparitions.

Cette célébration de l’anniversaire du jardin prend donc la forme d’un appel à toutes les personnes et associations intéressées à réfléchir sur ce sujet à nous rejoindre pour travailler ensemble et faire connaître cette problématique au cours de l’année 2014-2015.

La célébration du 15e anniversaire devrait être alors une journée sur les femmes et la disparition forcée, avec comme pas en avant important la ratification par les chambres fédérales de la convention sur les disparitions forcées.

Concrètement, vous trouverez, à la maison Vaudagne, une liste sur laquelle vous pourrez vous inscrire et nous prendrons rapidement contact avec vous. De notre côté, nous avons aussi commencé à prendre des contacts avec des personnalités engagée par rapport à cette thématique

L’anniversaire du jardin aujourd’hui va se poursuivre à la maison Vaudagne, selon le programme que vous avez reçu :

  • buffet préparé par Rhhela, membre de l’association CEFAM
  • moments artistiques interprétés par des femmes
  • échanges sur le thème  » femmes et disparition forcée »

Je vous remercie d’être là et de participer par votre présence à cette journée.